Florentine in fine

(087/250)

Photo by Biaggio

Une beauté de Milo Manara bien sûr et de Florence aussi

FLORENTINE IN FINE

Comme une femme après l'amour, Dieu qu'elle est belle
La Toscane¹ au parfum de lys rouge² et de rose :
Cathédrale exhalant à foison ses fidèles
Qu’un soleil des Enfers méchamment décompose !

Tu ressors sainte enfant de Marie-de-la-Fleur³,
À propos de la tienne, un pari est en cours,
C'est un peu vicieux, ça parle de couleurs,
Écoutons les joueurs et chacun à leur tour :

— À moi d’ouvrir le bal, allons-y que ça saigne !
Mes compagnons sentez l’Est hallucinatoire,
Elle est plein Orient, sa fleur dans la nuit baigne,
Pénitente adorée, c'est une vierge noire.

— Ô belle Florentine, un peu rosier ardent
J’entrevois le gardien qui protège ton huis.
De ce fort joli us⁴, sa teinte ... prétendants ?
US s'ajoute à la ROSE et ROUSSE j'en déduis.

— Tirés par ses cheveux sont vos raisonnements,
La nature les a dorés comme un  pain cuit,
Elle a donc le poil blond, blond blé tout simplement,
Mais il m'étonnerait que le sien soit gratuit.

L'esprit de libertas⁵, Commune de Florence,
Brûle encor dans le cœur de tes plus belles filles !
Sa beauté florencée, ergo⁶ par sa naissance,
Saura répondre à qui comme eux la déshabillent :

— Ce dernier a gagné, donnez-lui vos florins,
Qu'il aille sur-le-champ sa boulange acquérir !
Vous autres suivez-moi, à vos yeux souverains
Allons la fable clore et mon âme chérir !

Derrière un baptistère⁷, — au Paradis on pense —,
Son blason se dévêt d’un calice d'étoffes,
Sous le vent de l’offrande oubliant leurs finances
Pour une toison d’or, au Ciel les perdants lofent⁸.

1— Cette cathédrale de Florence n’est-elle pas une Toscane aussi ?
2— Le lys rouge symbolise la ville de Florence surnommée « la Cité au lys rouge » dans la littérature.
3— La cathédrale Santa Maria del Fiore, le Duomo de Florence, l’une des plus grandes églises d’Europe.
4— Us (usages) s’emploie plutôt au pluriel, mais Jean Giono près de nous l’employa au singulier, p. ex.
5— Libertés de se gouverner eux-mêmes qui a nourri historiquement le courage des Florentins.
6— Donc, par conséquent (en parodiant les raisonnements logiques de la scolastique).
7— La Porte du Paradis du Battistero di San Giovanni, aîné des bâtiments de la ville, fait face au Duomo.
8— Diriger une embarcation au plus près du vent.

Face à face sur la piazza del Duomo : le Baptistère et la Cathédrale.

On notera qu’en 1436, pour l'inauguration du Duomo conçu par le génial Filippo Brunelleschi, Guillaume Dufay composa le motet Nuper rosarum flores. C’est une autre de ses œuvres sur Florence qui nous intéresse ici, son motet Mirandas parit hec urbs florentina puellas.

Il est vrai que Florence a toujours donné naissance à de merveilleuses jeunes filles, Plutarque l’avait certainement écrit ou pour le moins pensé auparavant.

À écouter ce motet aujourd’hui, la jeune florentine ci-dessus semble encore y étinceler, peut-être.

Mirandas parit hec urbs, "Imperatrix angelorum"

Provided to YouTube by NAXOS of America Mirandas parit hec urbs, "Imperatrix angelorum" · Francesca Cassinari Dufay, G.: Choral Music ℗ 2008 Glossa Released on: 2008-01-01 Artist: Francesca ...

https://www.youtube.com/watch?v=AAM1BkiEpU0

===========================================

Dans cette autre anecdote à propos de ces lieux fabuleux, les trois lignes finales en italique ne provenant pas de Science & Vie seraient moins fondées historiquement peut-être :

Science & Vie

Filippo Brunelleschi invente la perspective

par EMMANUEL MONNIER

Les curieux se pressent dans l'atelier de Filippo Brunelleschi. L'architecte, sculpteur, orfèvre et peintre florentin propose, en cette année 1415, une singulière attraction : il a représenté sur un panneau de bois le baptistère San Giovanni de Florence, tel qu'il apparaîtrait à l'œil d'un visiteur situé en face, à l'intérieur de la cathédrale. Au centre, à hauteur d'œil, Brunelleschi a percé le panneau d'un trou qui s'élargit en cône vers la face arrière jusqu'à atteindre la taille d'une pièce de monnaie. Le spectateur est invité à y placer son œil et, tenant le panneau d'une main, à se placer à la bonne distance d'un miroir.

L'effet est saisissant : l'œil semble voir le baptistère octogonal "pour de vrai". L'image reflétée est exactement celle que le bâtiment réel aurait produite dans l'œil. Les visiteurs sont stupéfaits.

Ajoutons qu’alors, parmi ces visiteurs, ils auraient été nombreux à dire avoir vu la plus jolie des blondes entrer et sortir du Baptistère, on ne les aurait jamais crus …
Ou un bien joli fantôme hanterait ces lieux, qui sait ?

===========================================

On me fait remarquer avec raison sur Twitter que parler de Florence en l'oubliant lui, c'est passible ... d'une dernière anecdote :

On raconte que devant la beauté des lignes qu’il écrivait pendant la rédaction de son sublime roman — LE ROUGE ET LE NOIR —, Stendhal fut touché par le syndrome de lui-même !

Mais ne serait-ce qu'une légende encore ?

===========================================

Note à moi-même :

Et depuis mon cher Paul, votre merveilleux rêve vous a-t-il révélé sa couleur ?

Verlaine, Mon rêve familier

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon cœur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse ? - Je l'ignore.
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.