La nuit des rubans à Coulommiers

Publié le par Jean Pierre Mazille

(1415/2000)

Attention, tout ce qui suit est faux, "Ma" Demoiselle de Chartres ne deviendra jamais Princesse de Clèves dans mes élucubrations, sauf dans 15 de ses cauchemars, le douzième ici.

Contexte : dans la quatrième partie du roman, le Prince de Clèves retenu par ses fonctions à la Cour lors du sacre du nouveau roi François II, Monsieur de Nemours en profitera pour se baigner dans les nuits de Coulommiers, à  Coulommiers pour la seconde fois où pour la première il avait été témoin de L’AVEU. Cette fois, il y caressera les rêveries solitaires de la très belle et jeune Princesse de Clèves s'abandonnant dans son pavillon de campagne à quelque fantasme. Le beau galant sentira sa forte présence dans les rêves de la plus belle des blondes, laissant augurer pour lui quelque belle fortune avec elle, peut-être.

Si la première partie de mon texte semble épouser sans trop le trahir celui de Mme de Lafayette, il n’en est plus de même dans la seconde qu’on pourrait présenter comme le prequel de la première. Les choses s’y gâtent, ce n’est plus de Nemours qui contrôle (plus ou moins bien d'ailleurs) l’histoire, c’est "ma" Princesse de Clèves qui s'en charge jusqu'à ce qu'il s'en décharge ?

Votre version, Madame de Lafayette est quand même le récit d'un voyeurisme très réussi, sacrée coquine ! NDLR

Ça n’a certainement rien à voir avec le sujet en cours, mais qui sait, nous ne résistons pas à donner des nouvelles de cet étrange petit quatrain retrouvé dans les mémoires du Duc de Nemours qui laisse nos meilleurs savants dans l’expectative depuis des siècles :

Une bêtise de cambrure
Jadis me laissa fort cambré,
Encore dix ans de bromure
Pour remarcher moins encombré.

On pense depuis peu qu’il ne faut pas chercher la solution à Cambrai, mais ailleurs. Malgré cette avancée éventuelle, ça reste raide et les hypothèses les plus optimistes ne voient pas l'explication complète où-quand-comment de ces quatre vers avant la fin du siècle.

Roger Vieillard dans une édition de référence, Imprimerie Nationale 1980

Roger Vieillard dans une édition de référence, Imprimerie Nationale 1980

Illustration de la même scène par Génia Minache

Illustration de la même scène par Génia Minache

LA NUIT DES RUBANS À COULOMMIERS

Sur le jardin il rode, effluve de nausées,
Par un bel été chaud au cœur de Coulommiers,
À la fort belle épine un étrange rosier ;
On trouvera matin ses perles de rosée*.

Le noble cabinet du pavillon soumis
Toute fenêtre ouverte aux senteurs familières,
Sans pudeur sème au loin une intime lumière ;
La palissade¹ abrite aux vues ce doux vomi.

Une riche vêture épanouie repose :
C’est un brave brocart qui antan l’entourait,
C’est une guimpe en feu qui ses seins emmurait,
C’est un corset heureux qui s’approchait des roses.

Sur toi, elle est Amour et ailleurs Passion,
Esclave de son corps redevenue costume
Quand la maîtresse libre à tes yeux se consume

Laisse à un autre amant l’entière fruition² !

Sa poitrine enlumine Aphrodite esseulée,
Sa coiffure jouit sans arcelet³, si beau
D’un triangle amoureux aux lèvres des flambeaux ;
Que vive la vraie blonde hier trop harcelée !

L’adolescente4 face au tableau5 de l’amant,
Seule dans sa Cour où rien ne la dissimule,
À peu près nue debout, brûle sa canicule

Sur des chopines6 d’or et de bois fièrement.

L’aréole rêvant au plus léger des roses,
Autour de la cheville un ruban noir et blond7,
La jeune femme enchante un bambou8 en son long
Autour d’un entrejambe avec le va qu’elle ose.

S’y ajoute le vient pour lui donner du bien,
L’exquise Clèves pense à une chaude lance
Dont la pointe eût rompu en toute bienséance,
Dans la course à sa bague9, une vertu sans liens10.

Ici  s'endorment fraise et manches attitrées,
Mais pas le haut-de-chausse au volume bandant,
Il a vu la Beauté avant son accident*,
Tout céans à l’orée de la porte d’entrée.

Et puis ce fut un bruit que Madame11 plus tard
Dira être une écharpe à la fenêtre ardente
S'embarrassant — Mon ŒIL12 ! — toute langue pendante
C’est de Nemours lâchant : « Oh, bon  Dieu, quel cul d’art ! »

Et puis la fuite advint, re-sus à la clôture !
Et reneigea du lin sur le corps affolant,
Enfin s’évanouit le célèbre galant
Dans la nuit pitoyable en sa déconfiture.

C'est pitié qu’en ce lieu ne se consomma point
Tout l’enivrant refus de la trop Précieuse.
Le siège de Metz fut victoire radieuse,
Celui de la Princesse horrible contrepoint.

* ?

-------------------------------2----------------------------------------

Ne donnons pas quitus à ces lignes en perruque13
Qui suivent d’assez près ce moment du roman,
Hors celles de Vénus ici en supplément
S’en satisfait l’autrice avant qu’on ne les truque.

Dans la tête et le geste à quelque chose près
On aura reconnu l’amant de Lafayette14
Dans le geste un peu moins sa passive interprète
Qui éternellement vit sans le faire exprès.

Laissons le perruquier de ce bel épisode
Dissiper maintenant quelque trouble brouillard15,
Ouvrir grande la porte aux non-dits égrillards
Avec les piètres vers dont las ! il s’accommode.

Sans surprise l’on sait ce qui conduit Nemours
De Reims, haut lieu d’un sacre à la douce retraite
Où l’on pense que passe au-dessus de la tête
Du bijou endormi, la folle intrigue en cours.

Détrompons-nous ici et une fois pour toutes
Il n’est maître de rien, elle est maîtresse en tout
Ce bien avant Nemours depuis quatre ans surtout
À une exception, qui la connaît s’en doute !

Définitivement et il n’est pas trop tard
On l’affirme et l’écrit que la plus jolie Clèves
N’a eu n’a et n’aura d’étoile dans ses rêves
Qu’un délicieux prêtre16 et pas l’autre queutard.

Elle voit dans Nemours un jouet qui l’amuse
Un pari à tenir dont elle se fait fort
D’en sortir vainqueur là : parmi tous les cadors,
Il sera le dernier à la voir nue, sa muse !

Tel est son bon vouloir : sur elle l’œil vissé,
Il vivra cette nuit sa plus fameuse trique !
Comment destin les fils de cette mécanique,
Sans jamais l’étrangler, les a-t-elle tissés ?

D’abord, près du mari et celui-là l’ignore
Elle dispose à vie d’un parfait espion17,
Par messager il a dépeint sa mission :
Rendre compte des faits de qui la cherche encore.

Finalement n’est que la confirmation
Ensuite de savoir de Nemours la venue,
Seule et loin de la cour — pas marquée "INGÉNUE" —
Elle anticipa bien qu’il passe à l’action.

Peu après son enfance, elle apprit et très vite
Comment sans se tromper le voyeur18 renifler
Qu’elle allait retrouver pour son corps contempler
Derrière une fenêtre, un buisson, une bite19.

Avec un corps de rêve elle admet fataliste
Qu’affrontent ça aussi ses égales beautés,
Avoue qu’alors parfois se trouvent pimentés
Des instants d’une vie s’écoulant un peu triste.

Nemours est un peu con, mais il n’est pas méchant ;
Sa sœur lui a prêté une toile20 à sa gloire,
Elle lui a volé une canne notoire
Pour préparer à l’ŒIL21 un spectacle alléchant !

1— Une haute palissade avait été construite pour protéger des regards ou pire des intrusions de l’extérieur son pavillon isolé bâti pour elle en limite du domaine.
2— Action de jouir.
3— Arceau métallique constituant l’armature de certaines coiffures féminines et cela du XV° siècle au XVI°.
4— Elle a à peine dix-sept ans alors, ne l’oublions jamais !
5— Elle avait fait reproduire le portrait de M. de Nemours si glorieux au siège de Metz,  il existerait une autre explication à cette présence, mais non encore confirmée aujourd’hui.
6— Des chopines vénitiennes, chaussures surélevées dotées d’une plate-forme de bois pouvant mesurer jusqu’à 60 cm de haut.
7— Elle noue des rubans de couleurs, les couleurs portées par de Nemours lors du tournoi fatal à Henri II.
8— De Nemours avait offert une canne en bambou à sa sœur, c'est cette canne que Mme de Clèves lui avait substituée lors de sa dernière visite.
9—  Un jeu fort prisé par les nobles à l’époque qui consistait à suspendre un anneau à un poteau et les cavaliers essayaient de l'enlever au passage avec le bout de la lance.
10— Historiquement, « lien » présente une diérèse, mais comme Valéry l’utilisa comme une synérèse au moins une fois ainsi et parce que ça m’arrange, j’ai suivi Paul ici.
11— Madame de Lafayette.
12— Bonjour, Georges Bataille !

------------------------------------------------------------------------

13— Dans l’acception : travail effectué par quelqu’un pour son usage personnel en utilisant l’outillage, les matériaux, les installations de l’entreprise, le chef-d’œuvre de Mme de Lafayette ici, hélas !
14— Comprendre bien sûr : le personnage amoureux de son héroïne pour Mme de Lafayette dans son roman.
15— On ne peut s’empêcher de penser au sobriquet affublé à Mme de Lafayette : "Le Brouillard". Un sobriquet que j’ai fait mien aussi, contre l'autrice tant à force de litotes, elle réussit à ne quasi rien me dévoiler des secrets de "ma" vraie Princesse de Clèves.
16— D'innombrables numéros de "ma" Mademoiselle de Chartres ont déjà porté témoignage de cet attachement réciproque.
17— Monsieur de Clèves confie souvent des tâches sensibles à un gentilhomme qui est à lui et dont il connaît la fidélité et l’esprit, mais depuis sa nuit de noces avec la Princesse (811/2000), il devrait être moins sûr de sa fidélité lorsqu’il s’agit d’espionner sa femme.
18— Son biographe fait remonter vers ses 12 ans le moment où elle eut affaire à son premier voyeur (0087/2000), étonnamment elle en garde un bon souvenir, parce que c’était un artiste certainement. On ne parlera pas de certains mâles regards de serviteurs avant, lors de bains en particulier, mais à l’époque les maîtres paraissaient souvent nus devant leurs domestiques sans qu’on s’en émeuve.
19— Si l'on prend la Cour des Valois comme exemple, la mieux policée d’Europe à l’époque certainement, le comportement des hommes à l’égard des femmes parfois (souvent ?) y tenait plus du soudard que du gentilhomme, et ce malgré le travail de retenue demandé déjà  par François I et continué dans ce sens par son fils Henri II, tous les deux conseillés il est vrai par des femmes d’exception : mères, sœurs, épouses et autres. Tout est lisse chez Madame de Lafayette, pas de vague ! Si sa plus belle héroïne a pu vivre  loin des mœurs soldatesques plus que résiduelles alors, tant mieux pour le roman !
20— C'est peu plausible que "ma" Princesse ait pu dépenser quelque argent pour se procurer quelque reproduction de ce prétendant dont elle n’a rien à f… , pour son beau cousin de Venise par contre ...
21— Georges Bataille toujours, pas toi Alphonse Allais !

Photo by Alex Howitt

Photo by Alex Howitt

Rêvons, mais il eût fallu un autre scénariste désirant plus les Marina Vlady

Rêvons, mais il eût fallu un autre scénariste désirant plus les Marina Vlady

Le vrai et admirable texte de LA PRINCESSE DE CLÈVES !!!

(...)

Le sacre avait été fait à Reims par le cardinal de Lorraine, et l'on devait passer le reste de l'été dans le château de Chambord, qui était nouvellement bâti. La reine témoigna une grande joie de revoir Mme de Martigues ; et, après lui en avoir donné plusieurs marques, elle lui demanda des nouvelles de Mme de Clèves et de ce qu'elle faisait à la campagne. M. de Nemours et M. de Clèves étaient alors chez cette reine. Mme de Martigues, qui avait trouvé Coulommiers admirable, en conta toutes les beautés, et elle s'étendit extrêmement sur la description de ce pavillon de la forêt et sur le plaisir qu'avait Mme de Clèves de s'y promener seule une partie de la nuit. M. de Nemours, qui connaissait assez le lieu pour entendre ce qu'en disait Mme de Martigues, pensa qu'il n'était pas impossible qu'il y pût voir Mme de Clèves sans être vu que d'elle. Il fit quelques questions à Mme de Martigues pour s'en éclaircir encore; et M. de Clèves, qui l'avait toujours regardé pendant que Mme de Martigues avait parlé, crut voir dans ce moment ce qui lui passait dans l'esprit. Les questions que fit ce prince le confirmèrent encore dans cette pensée ; en sorte qu'il ne douta point qu'il n'eût dessein d'aller voir sa femme. Il ne se trompait pas dans ses soupçons. Ce dessein entra si fortement dans l'esprit de M. de Nemours qu'après avoir passé la nuit à songer aux moyens de l'exécuter, dès le lendemain matin, il demanda congé au roi pour aller à Paris, sur quelque prétexte qu'il inventa.

M. de Clèves ne douta point du sujet de ce voyage ; mais il résolut de s'éclaircir de la conduite de sa femme et de ne pas demeurer dans une cruelle incertitude. Il eut envié de partir en même temps que M. de Nemours et de venir lui-même caché découvrir quel succès aurait ce voyage ; mais, craignant que son départ ne parût extraordinaire, et que M. de Nemours, en étant averti, ne prît d'autres mesures, il résolut de se fier à un gentilhomme qui était à lui, dont il connaissait la fidélité et l'esprit. Il lui conta dans quel embarras il se trouvait. Il lui dit quelle avait été jusqu'alors la vertu de Mme de Clèves et lui ordonna de partir sur les pas de M. de Nemours, de l'observer exactement, de voir s'il n'irait point à Coulommiers et s'il n'entrerait point la nuit dans le jardin.

Le gentilhomme, qui était très capable .d'une telle commission, s'en acquitta avec toute l'exactitude imaginable. Il suivit M. de Nemours jusqu'à un village, à une demi-lieue de Coulommiers, où ce prince s'arrêta, et le gentilhomme devina aisément que c'était pour y attendre la nuit. Il ne crut pas à propos de l'y attendre aussi ; il passa le village et alla dans la forêt, à l'endroit par où il jugeait que M. de Nemours pouvait passer ; il ne se trompa point dans tout ce qu'il avait pensé. Sitôt que la nuit fut venue, il entendit marcher, et quoiqu'il fît obscur, il reconnut aisément M. de Nemours. Il le vit faire le tour du jardin, comme pour écouter s'il n'y entendrait personne et pour choisir le lieu par où il pourrait passer le plus aisément. Les palissades étaient fort hautes, et il y en avait encore derrière, pour empêcher qu'on ne pût entrer ; en sorte qu'il était assez difficile de se faire passage. M. de Nemours en vint à bout néanmoins ; sitôt qu'il fut dans ce jardin, il n'eut pas de peine à démêler où était Mme de Clèves. Il vit beaucoup de lumières dans le cabinet; toutes les fenêtres en étaient ouvertes et, en se glissant le long des palissades, il s'en approcha avec un trouble et une émotion qu'il est aisé de se représenter. Il se rangea derrière une des fenêtres, qui servaient de portes, pour voir ce que faisait Mme de Clèves. Il vit qu'elle était seule ; mais il la vit d'une si admirable beauté qu'à peine fut-il maître du transport que lui donna cette vue.

Il faisait chaud, et elle n'avait rien, sur sa tête et sur sa gorge, que ses cheveux confusément rattachés. Elle était sur un lit de repos, avec une table devant elle, où il y avait plusieurs corbeilles pleines de rubans ; elle en choisit quelques-uns, et M. de Nemours remarqua que c'étaient des mêmes couleurs qu'il avait portées au tournoi. Il vit qu'elle en faisait des nœuds à une canne des Indes, fort extraordinaire, qu'il avait portée quelque temps et qu'il avait donnée à sa sœur, à qui Mme de Clèves l'avait prise sans faire semblant de la reconnaître pour avoir été à M. de Nemours. Après qu'elle eut achevé son ouvrage avec une grâce et une douceur que répandaient sur son visage les sentiments qu'elle avait dans le cœur, elle prit un flambeau et s'en alla, proche d'une grande table, vis-à-vis du tableau du siège de Metz, où était le portrait de M. de Nemours ; elle s'assit et se mit à regarder ce portrait avec une attention et une rêverie que la passion seule peut donner.

On ne peut exprimer ce que sentit M. de Nemours dans ce moment. Voir au milieu de la nuit, dans le plus beau lieu du monde, une personne qu'il adorait, la voir sans qu'elle sût qu'il la voyait, et la voir tout occupée de choses qui avaient du rapport à lui et à. la passion qu'elle lui cachait, c'est ce qui n'a jamais été goûté ni imaginé par nul autre amant.

Ce prince était aussi tellement hors de lui-même qu'il demeurait immobile à regarder Mme de Clèves, sans songer que les moments lui étaient précieux. Quand il fut un peu remis, il pensa qu'il devait attendre à lui parler qu'elle allât dans le jardin ; il crut qu'il le pourrait faire avec plus de sûreté, parce qu'elle serait plus éloignée de ses femmes; mais, voyant qu'elle demeurait dans le cabinet, il prit la résolution d'y entrer. Quand il voulut l'exécuter, quel trouble n'eut-il point ! Quelle crainte de lui déplaire ! Quelle peur de faire changer ce visage où il y avait tant de douceur et de le voir devenir plein de sévérité et de colère !

Il trouva qu'il y avait eu de la folie, non pas à venir voir Mme de Clèves sans en être vu, mais à penser de s'en faire voir ; il vit tout ce qu'il n'avait point encore envisagé. Il lui parut de l'extravagance dans sa hardiesse de venir surprendre, au milieu de la nuit, une personne à qui il n'avait encore jamais parlé de son amour. Il pensa qu'il ne devait pas prétendre qu'elle le voulût écouter, et qu'elle aurait une juste colère du péril où il l'exposait par les accidents qui pouvaient arriver. Tout son courage l'abandonna, et il fut prêt plusieurs fois à prendre la résolution de s'en retourner sans se faire voir. Poussé néanmoins par le désir de lui parler, et rassuré par les espérances que lui donnait tout ce qu'il avait vu, il avança quelques pas, mais avec tant de trouble qu'une écharpe qu'il avait s'embarrassa dans la fenêtre, en sorte qu'il fit du bruit. Mme de Clèves tourna la tête, et, soit qu'elle eût l'esprit rempli de ce prince, ou qu'il fût dans un lieu où la lumière donnait assez pour qu'elle le pût distinguer, elle crut le reconnaître et sans balancer ni se retourner du côté où il était, elle entra dans le lieu où étaient ses femmes. Elle y entra avec tant de trouble qu'elle fut contrainte, pour le cacher, de dire qu'elle se trouvait mal ; et elle le dit aussi pour occuper tous ces gens et pour donner le temps à M. de Nemours de se retirer. Quand elle eut fait quelque réflexion, elle pensa qu'elle s'était trompée et que c'était un effet de son imagination d'avoir cru voir M. de Nemours. Elle savait qu'il était à Chambord, elle ne trouvait nulle apparence qu'il eût entrepris une chose si hasardeuse ; elle eut envie plusieurs fois de rentrer dans le cabinet et d'aller voir dans le jardin s'il y avait quelqu'un. Peut-être souhaitait-elle, autant qu'elle le craignait, d'y trouver M. de Nemours ; mais enfin la raison et la prudence l'emportèrent sur tous ses autres sentiments, et elle trouva qu'il valait mieux demeurer dans le doute où elle était que de prendre le hasard de s'en éclaircir. Elle fut longtemps à se résoudre à sortir d'un lieu dont elle pensait que ce prince était peut-être si proche, et il était quasi jour quand elle revint au château.

M. de Nemours était demeuré dans le jardin tant qu'il avait vu de la lumière ; il n'avait pu perdre l'espérance de revoir Mme de Clèves, quoiqu'il fût persuadé qu'elle l'avait reconnu et qu'elle n'était sortie que pour l'éviter ; mais voyant qu'on fermait les portes, il jugea bien qu'il n'avait plus rien à espérer. Il vint reprendre son cheval tout proche du lieu où attendait le gentilhomme de M. de Clèves.

(…)

La nuit des rubans à Coulommiers

😊

L’on peut se rendre avec un égal plaisir sur le talentueux site de Mediaclasse.fr et quel bonheur si l’on aime Baudelaire aussi !

😊

Et du rêve en plus sur cette nuit mythique maintenant en 2021 pour tous les amoureux de LA PRINCESSE DE CLÈVES grâce au dit sublime de Julie-Marie Parmentier ci-dessous :

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :