Une visite régalienne

Publié le par Jean Pierre Mazille

(0210/2000)

Contexte de ce 210e numéro de "ma" Demoiselle de Chartres : la plus jolie blonde aux yeux bleus des petites filles va rencontrer pour la première fois en cette fin 1554 le roi de France venu lui-même rencontrer son père dans leur château situé sur la Vienne en son amont affluent de la Loire afin de traiter de quelques problèmes stratégiques pour le royaume au-delà de ses frontières.

Son intelligence manœuvrière et sa facilité à communiquer dans un grand nombre de langues* ont fait de  Monsieur de Chartres une pièce maîtresse d’Henri II hors de son royaume pour préparer des jeux qu’il souhaite à grands gains bâtis autour d’alliances à entretenir ou à créer, et comme ça se joue avec les états les plus puissants alors de la planète, les pertes pourraient être aussi abyssales en matière de surfaces de territoires contrôlés et donc de puissance économique entre autres.

Sera au cœur de cet entretien la participation au cours de l’année à venir du royaume sous sa forme la meilleure à la campagne perse de Soliman le Magnifique, une participation dont les problèmes de navigation avec la flotte ottomane ne seront pas les moindres par ailleurs.

Un contexte toujours pas agréé comme les 1999 autres par Madame de Lafayette, et on le comprend un peu ! (NDLR)

*Une intelligence manœuvrière dont la fille de Monsieur de Chartres a déjà fait largement héritage comme on l’a déjà vu, et comme on va le revoir ici !

Photo by Joël Klinger de Sully-sur-Loire semblable au château de M. de Chartres

Photo by Joël Klinger de Sully-sur-Loire semblable au château de M. de Chartres

UNE VISITE RÉGALIENNE

Il honore les murs de la Maison de Chartres,
Il s'y halta¹ hier soir déroutant le parcours
D'Angoulême vers Tours pour un passage court,
Le roi vient conférer sous son manteau de martre.

La lumière dodine au rythme des flambeaux
Qui depuis le début de la nuit espionnent
Tous les mots dévoilant les secrets d'un automne
D’une ambassade au loin près d’un Soliman beau².

Henri II prend plaisir d’affaires étrangères
En grande confiance à partager le cœur
Lors de chaque rencontre avec l’ami seigneur,
Qui dans ces lieux repaire³ aux retours dans ses terres.

Monsieur de Chartres sert, ils sont peu à la Cour,
La fine politique au-delà du royaume
De son bon souverain grâce au don d’idiomes
Dont il use avec art dans de discrets séjours.

 Il fait glace dehors et dans la grande salle
L’immense cheminée de fagots se repaît,
Un équipage attend sur un tapis épais
De neige dans la cour son âme capitale.

L’aurore se lève enfin avec difficultés,
Il est temps de partir. Sous la royale invite
Le châtelain conduit vers où sa femme habite,
Il la veut saluer son bien noble invité.

Avait-on prévenu ses gens de sa visite ?
On lui ouvrit la porte, il passa en premier :
Le charme d'un printemps au bain irradiait
Et le roi faillit battre en retraite subite.

C’était gente Oriane4 encor savourant chaude
Cette eau dans le baquet où un moment avant
Sa mère se lavait, trempant son corps levant
Qui presque y oubliait ses rêves de belle Aude5

Elle céans n’avait oncques6 vu s’incliner
Avec un tel respect toutes les domestiques,
Les valets et surtout de ses jours la fabrique7
À leur instar fit sa révérence donner.

Elle s’était levée, retournée diantre nue,
Continuant à l’être en génuflexion
Sans même se poser la moindre question ;
La geste pour son roi restera inconnue

Aux poètes et luths dans leurs charmants folksongs.
Henri tout en pudeur traversa les parages
Des douze ans de la fille en beauté pour son âge,
De sa blonde fourrure il la couvrit adonc8.

Une heure ou moins à peine, elle rêvait encore
De belle Durandal et de joli Roland,
Elle crut un instant qu'entrait là consolant
Charlemagne annoncer la mort de qui l’adore9.

Non ! à Aix-la-Chapelle, on ne s’y trouvait point :
« Vous savez Demoiselle, au roi rien ne se cache,
Surtout pas les splendeurs que son royaume attache !
Votre éducation de ça vous en a oint.

Vous ne serez jamais en ma Cour la vassale,
Quasi en jeune reine on vous y recevra,
Demain en attendant deçà on vous suivra,
Espérant voir la fleur s'épanouir féale. »

Et Henri rejoignit sur sa Loire un palais.
Avec les Ottomans, il songea sur la route
À quelques ennemis qu’ils mettront en déroute,
Dans sa tête déjà chantait un virelai10.

1- Faire halte; s'arrêter à une halte.
2– En ce début d’année 1555, l'ambassadeur français Michel de Codignac participera à la campagne perse de Soliman le Magnifique, et naviguera avec la flotte ottomane au cours de sa campagne contre Piombino, Elbe et la Corse. Du côté ottoman, l'amiral Dragut jouera un rôle primordial dans ces offensives. De Codignac pourrait recevoir là-bas le soutien subreptice de Monsieur de Chartres, envoyé du roi (peut-être).
3– Avoir son repaire, résider.
4– Le prénom qui fut choisi pour Mademoiselle de Chartres (in mon délire n° 0001/2000).
NDLR Soyons honnêtes, pour l’instant Madame de Lafayette ne l’a pas encore agréé !

5– Le roman de Roland était une lecture d‘une demoiselle de qualité à cette époque, d’où quelques-unes de ses composantes utilisées ici : Aude, Durandal, Roland, Charlemagne et Aix-la-Chapelle.
6– Jamais.
7– Sa mère, car au contraire de son père, avec sa génitrice les liens marqués par deux vouloirs s’opposant souvent ne seront jamais très chaleureux.
8– Donc, par conséquent.
9– "Son beau Roland", bien entendu.
10– Petite pièce poétique avec deux rimes et un refrain qui réapparaît en un même vers dans chaque strophe.

Photo by ? (pour le moment)

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