Rencontres avec du Prince de Sang (1/7)

Publié le par Jean Pierre Mazille

(0326/2000)

Photo by Joël Klinger

Photo by Joël Klinger

Contexte de ce 326e numéro (jusqu'au 332e inclus) de "ma" Demoiselle de Chartres : la plus jolie blonde aux yeux bleus des petites filles qui grandissent va rencontrer pour la première fois en ce milieu 1556 François de Bourbon, Prince dauphin de sang, venu escorter depuis l’Auvergne avec quatre chevaliers son père le duc de Montpensier mandé par Henri II  rencontrer Monsieur de Chartres en son château sis en l'amont de la Vienne, affluent de la Loire, afin de traiter de quelque problème stratégique pour le royaume.

Madame sa mère absente, c’est la fille qui s’occupera de quelques tâches, parmi lesquelles  faire patienter un jour entre autres les cinq jeunes et fougueux cavaliers, le caractère secret de la mission interdisant quelques manifestations festives avec moult invités ce qui eût lieu en un autre temps.

Après...

Un contexte toujours pas agréé comme les 1999 autres par Madame de Lafayette, et on le comprend un peu ! (NDLR)

Milo Manara

Milo Manara

RENCONTRES AVEC DU PRINCE DE SANG 1/7
( JOUR- 1-L’ARRIVÉE)

Tous cinq, fort étonnés du long saisissement¹
Qui étreignit leur sens dès la grille franchie
Du château de leur hôte à la tête blanchie
Eussent déjà voulu de toi être l’amant².

De cet embrasement, en avait passé l’âge
Le sang de quarante ans d’un Duc de Montpensier
Venu accompagné comme à son rang il sied
De cinq grands cavaliers aux très nobles visages.

Il allait rencontrer Monsieur de Chartres ci
Sur ordre de leur roi pris par quelque frontière
Pour que ses deux amis jetassent leur lumière
À une affaire urgente et si secrète aussi.

Dix yeux se régalaient, jusqu’à forcer l’allure
Sur la cour à chacun de son cheval d’orgueil,
Approchant un peu plus le comité d’accueil
Où ils n’y voyaient que ta blonde chevelure.

C’était faire un peu fi de tant d’efforts fournis
Par leurs gentils transports à travers les montagnes
Entre Auvergne et ta Vienne³ en forme de campagne
Pour un Prince dauphin prêt à sortir du nid.

Se mirent au travail les pères sans attendre
Le souper qui viendra en ce jour de juillet
À une heure achevée ; on ne saura veiller
Trop sa fatigue après, tôt on devra s’étendre.

Avant que ne brûlât à chacun son baquet,
Ils purent admirer combien dans l’écurie
Les montures fourbues portant leurs armoiries
Vite pour eux demain, on savait requinquer.

Avant qu’on ne lavât leurs bijoux de famille,
Certains riches rayons tu les fis butiner
Devant le miel desquels on pouvait s’incliner,
Des manuscrits en grec : « Leur prix ? Des peccadilles! »

Et le moment advint où brillèrent les culs,
Tu réglas le ballet de tes femmes de chambre
Afin que le savon rendît heureux leurs membres,
Tous leurs membres pour que fut chez vous bien vécu.

Quatre prirent un bain parmi les plus mignonnes,
Les força-t-on alors ou fut-ce de plein gré ?
Ton rang ne l’interdit qu’au tout dernier degré
Que l’on t’y fit plonger, tentatrice garçonne !

Ton rang ou ton talent à  déployer tes gens
Pour qu’au moins les seigneurs retrouvassent la mise
Qu’ils portaient avant l’eau des pieds à la chemise
Sans la trace oubliée d’un trajet exigeant.

Sous ton commandement s’agitèrent des ruches :
Près du lavoir lustral on frottait du dessous,
On cousait, repassait par ailleurs tout son saoul,
Et vers de pleins bahuts, tu guidas tes perruches.

Combien d’autres pouvoirs en dot dès ton berceau
Leur resteraient cachés, ils se le demandèrent,
Par l’inouïe lingère et l’absolue libraire
En latin grec hébreu, aux arts paradoxaux ?

Cette salle bientôt vivra bien d’autres choses,
De blanches armes-là ne te déplurent point
Dont les corps ignoraient, maintenant d’odeurs oints,
Qu’ils tireraient l’épée5 contre une lame rose.

Le souper fut parfait même plutôt costaud
Par le fait de l’emploi de la langue latine
Suite à un vœu émis par la branche dauphine
Que le Maître des lieux exhaussa aussitôt.

Sous le feu des assauts, on te servit la soupe
Pour mettre en évidence un génie plus qu’inné
Qu’au Collège Royal6 on pensait destiné
Déjà à enseigner avec le vent en poupe.

« Ventres pleins, la soirée va finir en beauté ! »
S’accompagnant d’un luth, lança l’un des convives,
Épuisant haut-le-pied7 sa lyrique salive,
Son répertoire idem, car par trop limité.

« C’était aux mâles yeux un instrument de fille ! » :
Le tendant dépité aux mains de ses amis
Qui ne vinrent jamais, pensa-t-il, car hormis
Bride estoc, pour ces doigts tout le reste est broutille.

Monsieur de Chartres lors t’enjoignit gentiment
Et tu lui obéis, de sauver la partie,
Et tu attendis peu : « Tu m’avais ressentie
Pour entrer dans mon jeu, Prince dauphin charmant8 ! »

Les musiques seraient jouées à la demande ;
Le futur héritier désira du Ronsard,
C’était un air en vogue et point un traquenard,
L’interprétation pour lui fut de légende.

Les quatre autres galants déferlèrent sur toi,
Ils en voulurent tant et toujours ils les eurent,
Ta mémoire étonna et cette voix si pure… !
Ce temps écourtait fort celui des couvertures.

Louis de Bourbon9 tenait beaucoup à son sommeil,
Et pour clouer le bec à cette demoiselle
Soumit pour étouffer toutes ses étincelles
Un chant napolitain inconnu et bien vieil.

Louis III de Montpensier tomba en souvenance
Lorsque tu entonnas ce que chantait Maman
À cet ancien enfant avec son frôlement,
Il faillit défaillir de cette renaissance.

Et ton père t’offrit10 son Charles d’Orléans
Avant d’aller dormir en dernière levée ;
Le manteau d’or du temps sur tes lèvres rêvées
Afin de ne cesser voulut rester céans.

Pris par l’émotion, tous les cœurs en tremblèrent
Avec l’impression, et ça dura longtemps,
Que les murs du château en fissent tout autant,
Incognito, tous les anges11 acquiescèrent.

La chambre on habita avec quelque retard ;
« Du poète valois, invités12 invisibles,
Cachez mon long silence après un deuil terrible !
Blois13 à part le sais-je, mais des années plus tard ? »

1— "Immobile, saisi d'un long étonnement"
         Merci Racine et Britannicus !
2— Celui qui aime ou est aimé, pour commencer.
3— L’affluent de la Loire qui coule près d’un des châteaux des Chartres au-dessus d’Angoulême où grandit un peu la Princesse de Chabanais avant Clèves.
4— Faux et elle le fait un peu exprès, car à l’époque ces manuscrits rares étaient fort recherchés par les Grands, les rois en particulier pour leur gloire, ils étaient hors de prix.
5— Ça sera la rapière in fine, car à l’époque, épée signifiait une arme lourde dont "ma" Princesse, non haltérophile , n’était pas censé en pratiquer une consommation excessive contrairement à la rapière plus "féminine".
6— Où dès douze ans et pendant deux ans, elle y étudia. On a déjà consacré un épisode au moins à ce fait d’armes vu son âge et vu son sexe.
7— Vite, rapidement.
8— Jusqu'à la mort de son père en 1582 où il récupérera le titre de duc, on ne mentionne François de Montpensier que sous le titre de « Prince dauphin ».
9— Ou sous différentes appellations : Louis de Bourbon, Louis III de Montpensier le même Duc de Montpensier.
10— Le rondeau — Le temps a laissé son manteau — était le poème préféré de M. de Chartres surtout quand sa fille lui récitait ou mieux lui chantait comme on l'a vu et le reverra dans d’autres épisodes, d’où la demande de son père.
11— Une espèce de "running gag", dès qu’elle se met à chanter et/ou jouer d’un instrument, elle attire les anges voire des fantômes parfois attirés par son Art vocal et instrumental.
12— En réalité, seuls ses invités angéliques connaissent le destin de cette chanson dans la vie de la Princesse et son pourquoi surtout.
13— Elle reprendra ce rondeau à Blois quelques années plus tard et ça prendra alors sa vraie signification.

Milo Manara         (faute de luth... )

Milo Manara (faute de luth... )

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