Rencontres avec du Prince de Sang (6/7)

Publié le par Jean Pierre Mazille

(0331/2000)

Milo Manara    (comme son père la voyait)

Milo Manara (comme son père la voyait)

Milo Manara    (comme de Nemours la vit)

Milo Manara (comme de Nemours la vit)

RENCONTRE AVEC DU PRINCE DE SANG 6/7
( JOUR-2-SECOND SOUPER)

Le Duc de Montpensier et puis Monsieur de Chartres
En conclave quasi venaient de mettre fin
(Ça sentait à plein nez de guerre le parfum)
À la rédaction d’une royale charte.

Elle serait soumise après l’accord d’Henri
Comme nouvelle entente autrement amenée
Avec deux grands États de Méditerranée¹
Du royaume de France ainsi qu’il est écrit.

Cinq cavaliers demain vers un château de Loire
Escorteront le messager Louis de Bourbon
Et par un prompt renfort : deux gentilhommes, bons
Soldats, amis du Roi déjà couverts de gloire.

Pour le souper, sans s’attifer ou pas vraiment,
Dans leur appartement, tous au mieux se vêtirent ;
Les tout récents nageurs reconnaissants remirent
Comme à neuf recouvré, leur propre habillement.

Les présentations surent se voir réduire,
Car tous se connaissaient de réputation ;
Des guerriers accomplis coureurs de croupions :
Des Vidame et Nemours, qu’eût-on pu encor dire ?

Du court et fin discours du bon Maître des lieux,
Dans l’empêchement long de Madame de Chartres
Retenue bien trop loin par quelque triste marbre,
Des oreilles par dix l’écoutèrent le mieux.

Il leur renouvela ses profondes excuses,
Il dit avec sa fille avoir envisagé
Pour ce jour quelque chasse, afin de ce congé
Surtout ne pas en faire une langueur diffuse.

« Qu’aurait signifié la noble activité
Que l’on aurait dotée d’une chiche durée,
Or la fin d’un parcours, royal dans la rentrée,
Vous y attend demain de pleine intensité.

Il n’est point rare (Horreur !) en ce bel Art des muses
De la forêt parfois, que trop fort attiré
Par la facile gloire, un seigneur célébré
Voie dans sa vie entrer quelque blessure intruse.

Pour vous éviter ça, ma fille vous créa
Un pis-aller correct qui semblait agréable
Ou admissible au moins à des âmes (Que diable !)
Issues des plus hauts rangs, sur ce on l’agréa !

Ce ne put certes pas paraître inoubliable
À de tels corps bien nés de reproduire encor
Une sainte journée l’effort que des mentors
Leur impose sans cesse au nom de l’Immuable.

J’avoue, pris par ma charge ou mon âge avancé,
Avoir depuis un bail délégué cette tâche
Souvent à mon enfant, je sais combien ça fâche
Sa bien tendre maman, il faut m’en confesser.

Chevaucher, ferrailler, nager, non ! je me trompe,
Ça , elle ne l’a pas expressément voulu,
Grimper, tirer à l’arc, ça vous fut dévolu,
Espérons que pour vous, tout parut saine pompe. »

Là-dedans, il n’y a pas fille à marier :
Où y trouver mon Dieu la messe et la couture
La tenue de maison ainsi que la lecture,
De lecture par trop, mon mari vous voyez !

C’est ce que dit sa mère au père en permanence,
Il va être galère à son futur mari
De l’être, pour l’instant d’un époux elle en rit !
Dans deux ans, on verra pour son retour en France.

Ces deux derniers quatrains, son père les pensa,
Dans la salle il savait pour elle une alliance,
Elle³ et ses quatre amis louèrent son aisance
En menterie aussi, voire ça la haussa.

La vacance d’un poste allait être comblée,
La place près d’un père on allait occuper,
Quelque cheveu sauvage il fallait regrouper,
À la robe d’un ange elle était accouplée.

Un étonnement long tous saisit de nouveau
Lorsqu’elle apparut bleue dans sa beauté parfaite ;
Blasons aux lys ou non, d’une telle fillette
En virginale mise on en devient dévot !

Elle stupéfia avec la révérence
Qu’une Cour eût rêvée, tout en jouant de l’œil
À un bien aimé oncle et cachant son orgueil
Un père l’accueillit, le cœur en conséquence.

Chacun se demanda pour qui elle mit ça,
Cinq cavaliers d’hier pour eux voulurent  croire,
« Ne cherchez plus pour qui, c’était divinatoire
Pour mon plus grand Amour, la mort est en deçà ! »

Il devait exister entre lui et sa fille
Une rare amitié, un amour absolu ;
Quel hymen arrangé eût demain révolu
Ce lien que ne trancha qu’une infâme faucille.

En âge canonique alors on se souvint
Présents ou ancestraux, dans les plus beaux neurones
À la Cour des Valois de ces belles personnes :
Agnès4 Anne5 ou Diane6 au spectacle divin.

Dans le lit de leur roi, y succombèrent toutes ;
Ma blanche Demoiselle entre des bois soyeux,
Allez-vous enchanter de vieux ou nouveaux yeux ?
Sous un linceul Diane, on couvrira sans doute.

Des blondeurs à l’esprit, vous surpassez les trois.
Quel étrange destin d’être née favorite !
Abandonnerez-vous votre chaire à ce rite
Ou accorderez-vous à d’autres cet octroi ?

Le père pour sauver de moult grande agonie
De questions sa fille (une vraie pluie d’été),
Les beaux drageoirs d’argent à peine visités
Grâce à des mots de glace éteignit l’incendie.

Ils annonçaient druement à cinq rêveurs au moins
Qu’irait la Demoiselle à Venise rejoindre
Tantôt sa mère afin de compléments adjoindre
À ses formations par des maîtres au loin.

Quid de son avenir ? Si elle le désire,
Elle vous reviendra et à la Cour d’Henri
Pour faire son entrée ; y penser j’en souris,
Car l’enfant d’aujourd’hui aura seize ans. Que dire !

Monsieur de Chartres ne t’avait pas vu grandir,
Le temps que lui laissait une horloge céleste
Graverait à l’or fin et à l’amour le reste
Sur vos vies que l’absence endigua d’embellir.

Une cavalerie obéirait aux ordres
Du tout premier rayon sorti au lendemain
D’une étrange soirée où se prendraient vos mains,
L’acquittant d’un devoir dans son temps venu mordre.

Ainsi sans palabrer entre opulents plateaux
Aux mets délicieux, le repas à l’allure
D’une jeune pouliche à la blonde encolure
Fonçait vers un sommeil fait pour se lever tôt.

Ton père lui requit, vif comme Belladone,
À ton sacré débit peu artificiel,
De fleurir sa lecture au sein des arcs-en-ciel
De l’éternel écrit du grand Castiglione.

Il était vrai que tu mangeais toujours fort peu,
Les lents laps de ton jeûne au milieu des convives
Leur permirent d’entendre une autre fois Le Livre
Du Courtisan (fermé) en si bel escarpin.

Le passage choisi de l’immortel chef-d’œuvre
Que ta voix prodiguait à chaque demandeur
À l’extrême troubla chacun des spectateurs,
Car ta mémoire seule était à la manœuvre.

Baldassar, tu aimais avec lui, c’est certain
Converser et répondre en libre courtisane.
Pour le genre des mots, tu savais : « C’est insane,
 Masculin, c’est divin, féminin, c’est putain ! »

On ne remarqua rien dans la tête du père,
Dans l’eau ou en habit : ton immense beauté,
En tout champ de l’esprit : tes grandes facultés,
Dans le toujours parfait, l’habitude prospère !

Contrarierait-il un obligé repos
Quelque doux jeu de luth pendant quelques minutes ?
On n’y vit nul obstacle ; inspirées, les volutes
De tes cordes émues frissonnèrent les peaux.

Racontèrent sept airs en leur belle substance :
Les amours d’une enfant et qui ne l’était plus
Pour un père à jamais qui serait son élu ;
Ça sentait peu la danse et plutôt le silence.

Chevaucher, ferrailler, nager, tirer à l’arc,
Il la laissait gagner, aujourd’hui c’est l’inverse ;
Le latin, grec, hébreu et l’arabe et le perse,
Hier il enseignait, elle élargit le parc.

Et sa vie défilait toujours avec la tienne,
« As-tu troussé autant les filles que tonton ?
— Depuis que tu es née, pas du tout mon chaton ! »
Ta vie défilerait maintenant sans la sienne.

À Venise l’attend tant de choses là-bas :
Elle aime tant soigner, d’abord sa médecine,
Et des peintres viendront chercher la Florentine,
Du pinceau de Sandro jaloux de ses ébats.

Botticelli chanceux,  d’un unique modèle
Seul eut la jouissance, aujourd’hui ta beauté
À la Simonetta7 règne pour tourmenter ;
Sur la conque8 Nemours te rêve, Demoiselle !

Le père craint assez l’ami Tiziano9
Qui se complaît souvent à imager ses toiles
Des plus belles Vénus sans la plus fine voile,
Et voudra colorer tes secrets virginaux.

La marine ottomane et aussi l’espagnole
T’enlèveront sur un canal ou pleine mer
Pour revoir étourdie des parrains10 les amers ;
De leur blonde filleule en est leur amour folle.

Et il te donnera bientôt toutes les clefs
Pour accéder un jour aux immenses fortunes,
Que son épouse même, excepté quelques-unes,
Toutes méconnaîtrait ; il va t’en encercler.

Au septième morceau, la salle était en transe
Et de Nemours idem, mais pour d’autres raisons,
On ne connaissait point cet air à pâmoison
Qui pour les anges11 fut : the Sound of Silence.

1— On peut penser aux États vénitiens et ottomans, mais chut !
2— Cérémonial.
3— Son alliance ? Ici, pour le jeune Prince dauphin.
4— Agnès Sorel, née vers 1422, et morte le 9 février 1450 devient en 1443 la favorite du roi de France Charles VII.
5— Anne de Pisseleu, duchesse d'Étampes, née vers la fin de l'année 1508 et morte dans les premiers jours de septembre 1580 fut la favorite de François Ier, jusqu'à la mort du roi.
6— Diane de Poitiers (3 septembre 1499 ou 9 janvier 1500 en Dauphiné - 26 avril 1566 à Anet), comtesse de Saint-Vallier, duchesse de Valentinois, demeure pendant plus de vingt ans la favorite de Henri II, roi de France.
7— Simonetta Vespucci (née Simonetta Cattaneo en 1453 - morte à Florence le 26 avril 1476) est une femme noble italienne de la Renaissance, célèbre par sa beauté et son charme, de la cour de Laurent le magnifique, qui servit de modèle à Sandro Botticelli.
8— La coquille ou l’immense lèvre d’où sort la beauté qui lui ressemble tant dans le tableau célébrissime de Sandro Botticelli : La naissance de Vénus.
9—Le Titien, immense peintre et  ami de son père à Venise, qui fit d’elle tout enfant des portraits pour l’un de ses parrains.
10—Monsieur de Chartres choisit dès la naissance de sa fille, deux parrains illustres : Charles Quint et Soliman le magnifique.
11— Ou "le retour d'un running gag", puisque dès qu’elle se met à chanter et/ou jouer d’un instrument, elle attire les anges voire les fantômes parfois, attirés par son Art vocal et instrumental ou par quelques mauvais augures. Ajoutons pour les anges que le futur n’est pas totalement inconnu et Simon et Garfunkel non plus.

Milo Manara

Milo Manara

Milo Manara

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