Ta jeune chair vénitienne qu’un galant se crut promise

Publié le par Jean Pierre Mazille

(0800/2000)

Contexte de ce 800e numéro de "ma" Demoiselle de Chartres : autour de ses 15 ans ici, la plus jolie blonde aux yeux bleus des grandes adolescentes de Venise va rencontrer au bord d'un canal de la Sérénissime un bien étrange personnage, ce n'est pas la première fois, ce ne sera pas la dernière dans son monde réel ou dans son monde rêvé, ne sont-ils pas les mêmes pour mon bonheur d'ailleurs, mais lequel des deux au fait ?

On a vu dans les épisodes précédents la vie de cette demoiselle se partager en alternance quasi  chaque saison entre la France et Venise surtout avant la disparition de son père. Après cette perte, elle va rester deux ans pleins en Italie avant de faire son entrée à la cour des Valois.

Un contexte toujours pas agréé comme les 1999 autres par Madame de Lafayette, et on le comprend un peu ! (NDLR)
 

Photo by Andrius Kovelinas

Photo by Andrius Kovelinas

Vignette de Milo Manara

Vignette de Milo Manara

TA JEUNE CHAIR VÉNITIENNE QU’UN GALANT SE CRUT PROMISE

Le carnaval là-bas flirte encore sous la lune,
Elle va caresser les eaux de sa lagune
Pour se purifier le regard sans accord
Qui sous un masque impur déshabilla son corps.

Un regard, mais pas que, comme on pourrait le croire
À lire ce quatrain, pour raconter l’histoire
Revenons en arrière au début de la nuit
De la jeune beauté voir ses quelques ennuis.

À peine sa gondole à quai, vers elle plurent
Par dizaine des œufs¹ partis de mains obscures
Qui avaient deviné ce que cachait, pourtant
Chapeauté et masqué, son si joli printemps.

Elle s’en sortira sans aucune ecchymose,
Sa robe sentira pour la soirée la rose.
Parmi tous les oiseaux qui prirent leur essor,
Un bien sale corbeau allait la suivre alors.

Croisée et recroisée, il osa tenter même
De danser avec elle et à chaque fois blême
Elle entraînait ailleurs son cousin au beau front
Que ses dix ans de plus servaient de chaperon.

Elle eut l’impression que la laissait fort nue
En la dévisageant la rencontre inconnue
Du costume si noir, cape et tricorne² offerts
Par un tout autre siècle en odeur de l’Enfer.

L’escorte retenue par quelque connaissance,
Au bord du Grand Canal, accoudée sans prudence
Elle admirait sur l’eau le ballet des flambeaux
Quand son cul apparut au doux son des clapots.

Qui eût pu s’aviser de cette ignoble ruse
Sinon le porteur blanc du masque de céruse ?
Un très obscène instant manqua à Cupidon
Pour rentrer à deux mains son bien bel espadon³ ?

Le sauras-tu un jour qui te sauva la mise ?
Bien étrange est parfois l’arcane de Venise !
Quand tu te retournas, disparu le faquin,
Il ne vit plus jamais un dos aussi coquin.

C’était Casanova comme une singulière
Vaguelette parfois d’un trou qu’à sa manière
Un espace-temps fou brisera sur tes jours,
Phénomène éphémère aux pieds de tes atours.

1– Le jeu dit du « mattacino »  consistait, déguisé en clown, à lancer de œufs remplis de parfum d’eau de rose sur les jolies demoiselles et des œufs pourris sur celles qui l’étaient moins à son goût.
2– Apparu au XVII° siècle, le costume le plus représentatif du Carnaval était « la bauta » composée d’une grande cape noire (« le tabarro »), d’un couvre-chef en drap noir et d’un tricorne qui rendait l’individu totalement méconnaissable.
3– Grande épée large et à double tranchant, que l’on tenait à deux mains.

Vignette de Milo Manara

Vignette de Milo Manara

Photo by ? (pour le moment)

Photo by ? (pour le moment)

Sur une vidéo fantôme depuis disparue ?

https://www.ina.fr/video/CPB81050393/jacques-henri-lartigue-peintre-et-photographe-emission-du-7-janvier-1981-video.html

 

NDLR Pendant cette émission conservée par notre formidable INA, on peut voir le grand Jacques Henri Lartigue opérer sur le Carnaval de Venise. Un moment lui parut étrange lors de ces shootings, il le relata comme « ses fantômes de Venise ». Ce qu’il ignorait, c’est que ces personnages (masques en latin), ce n’étaient pas eux les fantômes, mais que c’était lui le photographe qui en était un.

Par quelle faille de l’espace-temps, son appareil était-il passé de la fin du XX° vers le milieu du XVI° ? Quoi qu’il en soit, j’ai eu la chance d'admirer quelques-unes de ses épreuves où j'ai reconnu ma Princesse de Clèves (ou plutôt ma Mademoiselle de Chartres à l'orée de ses 15 ans en Vénitienne masquée ici, hélas) harcelée par une « bauta » lugubre, ça me donna d’ailleurs l’idée jadis d’écrire cette histoire.

Et la chance fut avec lui ..

Et la chance fut avec lui ..

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