Pour des pierreries de Florence

Publié le par Jean Pierre Mazille

(0823/2000)

Contexte de ce 823e numéro de "ma" Demoiselle de Chartres : Elle vient de quitter Venise et se réinstalle en France, à Paris en particulier. On la voit ici traiter quelques affaires de joaillerie, on en comprendra plus tard la portée.

Elle va y faire aussi une rencontre inattendue, elle qui n’a pas encore fait son entrée à la Cour de France. Pour mémoire, Marie Stuart en plus d’être belle atteignait les 1,82 m et ma Demoiselle de Chartres maintenant les 1, 76 m.

Un contexte toujours pas agréé comme les 1999 autres par Madame de Lafayette, et on le comprend un peu plus dans celui-là ! (NDLR)

Piero di Cosimo, Simonetta Ianuensis Vespuccia

Piero di Cosimo, Simonetta Ianuensis Vespuccia

POUR DES PIERRERIES DE FLORENCE

Que d'étranges instants à la joaillerie,
Tu y étais déjà quand elle y pénétra
Afin que dans leur tête et de conserve entrât
L’ irréelle beauté dans son allégorie !

Piero di Cosimo¹ aurait repeint alors
L’image qui régna sur les cœurs de Florence
D’une Simonetta² en la tendre indécence
De ses seins nus dessous la chaîne y coulant l’or.

La noble Vespucci s’invita en pensée,
Leurs battements de cils s’étaient croisés sur toi ;
Très vite recouvrit son huile sur le bois
Ta sublime blondeur érotique insensée.

En ton vénitien natal tu lui parlais,
Seigneur de la Maison des plus jolis plumages
Pardieu, il répondait en son toscan³ ramage ;
L’affaire se faisant de rubis t’emperlait.

Elle toisait la tienne, elle à la grande taille
Très exceptionnelle en la Cour des Valois ;
Quasi à même hauteur et surtout pleins d’émois
S’étonnèrent vos yeux sur le champ de bataille.

Les aurais-tu baissés ou pas si tu eus su
Qu’attendait derrière toi l’éminente Dauphine
Qui n’en voulut point à une telle poitrine
Que son titre passa un peu inaperçu ?

Tu laissas en partant deux rubans interlopes
Qui parurent ainsi à des iris royaux,
L’un plus court que son frère et tous deux fort loyaux
Envers un vœu issu du fin fond de l’Europe.

« Les Vidame, Nemours, Saint-André, mon cousin4
Et tant d’autres y compris pléthore de concurrentes
Seraient déjà dessus si elle était présente
Sa liqueur à la Cour pour fouler son raisin. »

Auprès de l’italien en y mettant les formes,
Grâce à la Médicis il la connaissait bien,
Elle espéra savoir : « Où Paris la retient
Cette fille dotée de ce charme hors norme ? »

Il ne sut que tousser et s’en excusa moult5 ;
Ce mystérieux ange, on n’en était point dupe
Ici se protégeait ; « Un puissant s’en occupe ! »
Se dit-elle tout bas ce qui la mit out.

Mais avant le coucher, elle s’était reprise :
Chastelart6 te cherchait déjà à tour de bras.
— De monter ce joyau dans l’écrin de ses draps —
Un songe cette nuit fut soumis à l’emprise.

1— Piero di Cosimo (Florence, 2 janvier 1462 - 12 avril 1522) est un peintre italien de l'école florentine, sur le tard et définitivement, semble-t-il, est attribué le chef-d’œuvre "Portrait de femme dit de Simonetta Vespucci", musée Condé, Chantilly.
2— Simonetta Vespucci (née Simonetta Cattaneo en 1453 - morte à Florence le 26 avril 1476) est une femme noble italienne de la Renaissance, célèbre par sa beauté et son charme, de la cour de Laurent le magnifique, qui servit de modèle à Sandro Botticelli.
3— La langue de Florence que le joaillier parlait, car natif de cette ville, maintenant ayant pignon à Paris après avoir suivi la reine Catherine de Médicis en France.
4— Parmi les trois Guise, Marie Stuart pense ici au chevalier de Malte, nième prétendant de Mlle de Chartres.
5— Vieux ou soutenu • Très.
6— Gentilhomme dont la passion pour la reine dauphine le fera mourir, ayant suivi la veuve de François II en Écosse.

Milo Manara

Milo Manara

Le vrai passage dans LA PRINCESSE DE CLÈVES :

Le lendemain qu'elle fut arrivée, elle alla pour assortir des pierreries chez un Italien qui en trafiquait par tout le monde.
Cet homme était venu de Florence avec la reine, et s'était tellement enrichi dans son trafic que sa maison paraissait plutôt celle d'un grand seigneur que d'un marchand. Comme elle y était, le prince de Clèves y arriva. Il fut tellement surpris de sa beauté qu'il ne put cacher sa surprise; et Mlle de Chartres ne put s'empêcher de rougir en voyant l'étonnement qu'elle lui avait donné. Elle se remit néanmoins, sans témoigner d'autre attention aux actions de ce prince que celle que la civilité lui devait donner pour un homme tel qu'il paraissait. M. de Clèves la regardait avec admiration, et il ne pouvait comprendre qui était cette belle personne qu'il ne connaissait point. Il voyait bien par son air, et par tout ce qui était à sa suite, qu'elle devait être d'une grande qualité. Sa jeunesse lui faisait croire que c'était une fille, mais, ne lui voyant point de mère, et l'Italien qui ne la connaissait point l'appelant madame, il ne savait que penser, et il la regardait toujours avec étonnement. Il. s'aperçut que ses regards l'embarrassaient, contre l'ordinaire des jeunes personnes qui voient toujours avec plaisir l'effet de leur beauté ; il lui parut même qu'il était cause qu'elle avait de l'impatience de s'en aller, et en effet elle sortit assez promptement. M. de Clèves se consola de la perdre de vue dans l'espérance de savoir qui elle était ; mais il fut bien surpris quand il sut qu'on ne la connaissait point. Il demeura si touché de sa beauté et de l'air modeste qu'il avait remarqué dans ses actions qu'on peut dire qu'il conçut pour elle dès ce moment une passion et une estime extraordinaires. Il alla le soir chez Madame, sœur du roi.

Portrait de jeune femme, atelier de Sandro Botticelli

Portrait de jeune femme, atelier de Sandro Botticelli

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