Et Ronsard rencontra Mademoiselle de Chartres, future Princesse de Clèves

Publié le par Jean Pierre Mazille

(0869/2000)

Rose à Betty

Rose à Betty

Milo Manara

Milo Manara

Contexte de ce 869e numéro de "ma" Demoiselle de Chartres : la nuit qui suivit le récital de Mlle de Chartres en particulier, lumineux et inoubliable hommage à Charles d’Orléans dans le château de Blois devant la fine fleur de la Cour des Valois  ou presque comme relaté dans l’épisode précédent, ne sut effacer cette impression dans les têtes invitées.

Vers la fin de cette soirée, parmi la pléiade des invités qui essayèrent de féliciter Mademoiselle de Chartres, le poète Pierre de Ronsard réussit à lui offrir quatre roses et à parler quelques instants avec elle, il en fut un peu retourné, la chanteuse un peu moins peut-être !

On aura en tête la première strophe de sa génialissime ODES, I, 17 :

Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avoit desclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu ceste vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vostre pareil.

Un contexte toujours pas agréé comme les 1999 autres par Madame de Lafayette.

Ronsard et Cassandra Salviati - gravure de cl. Mellan (1598 - 1688)

Ronsard et Cassandra Salviati - gravure de cl. Mellan (1598 - 1688)

ET RONSARD TE RENCONTRA EN CETTE SOIRÉE DE BLOIS

De mémoire de pierre et de riches vesprées¹,
Ah ! on n’aurait jamais entendu en ce Blois
Plus bel hommage en voix qui sut choisir adroit
D’un poète les fleurs qui poussent dans ses prées².

Justement, un pareil³ à Charles d’Orléans
De sa fleur préférée t’en tendit quatre tiges
Accompagnées d’une ode à donner le vertige,
Tu les interrogeas ces pétales céans :

« La Ligue des autres fleurs pose
Sans cesse à vous les belles roses
Question de savoir combien
À Ronsard jadis vous versâtes
Pour qu’en ses vers en acrobate,
Toujours, il vous chanta si bien ! »

À cette étrange jalousie, il se trouva sans réponse,
Tu disparus ; la nuit le rendit fort affaibli
En ruminant à ta blondeur nue dans un lit,
L’écho à ton sizain resterait dans les ronces.

Quoiqu’à sa Muse enfin il retrouva accès,
Se tirant sur la tige aussi à même étoffe,
En inversant un peu quelque sens d’une strophe
D’un poème immortel qui avait du succès :

Rose, allons voir si la mignonne
Qui chaque nuit belle abandonne
Sa robe tout d’or au sommeil,
A point vêtu sa peau ambrée
De cette voile énamourée,
Doux pétale au vôtre pareil.

Mais il n’ira jamais, il savait ton étoile
Promise à un soleil dont le moindre rayon
Valait follement plus qu’en d’autres pleins rayons
Ses livres inspirés de vous, roses sans voiles.

1—Ou vêprée, très anciennement dont le sens était soirée.
2—Vieux, étendue de prés.
3—Pierre de Ronsard entre 1550 et 1558 fut reconnu "Prince des poètes", pouvant rejoindre ainsi sur le pavois Charles d’Orléans.

Marina Vlady inoubliable dans LA PRINCESSE DE CLÈVES

Marina Vlady inoubliable dans LA PRINCESSE DE CLÈVES

Et Ronsard rencontra Mademoiselle de Chartres, future Princesse de Clèves

Addendum

"Quelques" dizaines d’années après ma jeune adolescence, je fais toujours confiance à mon Lagarde & Michard qui écrivait à propos du célébrissime MIGNONNE, ALLONS VOIR SI LA ROSE… :  Cette ode à Cassandre est universellement connue : mise en musique, elle était sur toutes les lèvres et a contribué à guider le poète vers un lyrisme plus familier. Il s’agit d’un éternel lieu commun :  P. Laumonnier dans son Ronsard poète lyrique, consacre dix-huit pages aux sources possibles de ces dix-huit vers, mais ne peut que conclure à la supériorité et, en définitive, à l’originalité de Ronsard.

Par contre, certaines autres de ses œuvres pour ne pas dire un assez grand nombre proviennent d’une espèce de traduction réussie et oubliée par beaucoup, des poèmes en latin écrits par Jean Second, tirée de son chef-d’œuvre le Livre des baisers en particulier.

Au sein de son groupe, il n’est pas le seul à opérer ainsi, mais on lui y attribue 50% des plagiats nommés pudiquement imitations très souvent.

On ne saurait oublier que Joannes Everardi connu dans la République des lettres sous le nom de Johannes Secundus ou Janus Secundus, en français Jean Second (merci Wikipédia) a un peu butiné lui-même sur l’immense Catulle.

Une latiniste du calibre de "ma" Demoiselle de Chartres, joli rat de bibliothèque par ailleurs, lors de cette rencontre ne put s’empêcher de relever ce fait troublant de grande qualité de la traduction des œuvres de Second par Ronsard certes, mais d’avoir remplacé le nom de l’auteur par celui de son traducteur lors de publications en langue française, d’où ce quatrain coupé :

« Que vous sûtes baiser4 l’œuvre de Jean Second
Du latin au français en jardinant ses roses ! »
Alors sa surdité5 fit encor bien les choses
Et ne t’écoutant point, il resta dans ses gonds.

4— Dans le sens d'embrasser, on dira...
5— À quinze ans, Ronsard, ce charmant petit page, plein d’intelligence et de séduction, était promis à la carrière des armes ou à la diplomatie. Mais à son retour d’Allemagne où il était allé servir son cousin le diplomate Lazare de Baïf pendant trois mois, une grave maladie le laissa « demi-sourd » et l’obligea à se retirer à la Possonnière, le château familial. (merci Lagarde & Michard)
Il semblerait que « demi-sourd » fut à part variable tout le reste de sa vie par un usage de ses conduits auditifs plus ou moins ouverts selon le bénéfice qu’il pouvait retirer des paroles qu’on lui adressait.

Les baisers, Bilingue (sic)

Les baisers, Bilingue (sic)

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