Quand une "Entrée" à Blois hante des songes florentins

Publié le par Jean Pierre Mazille

(0868/2000)

Contexte de ce 868e numéro de "ma" Demoiselle de Chartres : la nuit qui suivit le récital de Mlle de Chartres en particulier, lumineux et inoubliable hommage à Charles d’Orléans dans le château de Blois devant la fine fleur de la Cour des Valois  ou presque comme relaté dans l’épisode précédent, ne sut effacer cette impression dans les têtes invitées.

Un des songes récurrents de la Reine de France se manifestait par l’anamnèse de l’entrée solennelle de son mari à Blois en août 1547 alors qu’il venait tout juste de succéder à son père François Ier, une entrée dont elle avait peu goûté la présence de femmes nues montées sur un bœuf  accompagnant le Roi. Cet envoûtement de la soirée toucha tant la reine de France qu’inconsciemment, cette nuit-là elle remplaça ces femmes par Mademoiselle de Chartres, mais le songe n’obéit pas totalement à sa volonté, la plus jolie blonde aux yeux bleus de la Cour des Valois ne défila pas sur un bovin pour se voir abaisser, mais sur le plus beau cheval qui soit.

A priori, la nièce du Vidame n’avait causé nul tort à ce moment à la Médicis. Jalousie d’une Florentine envers une Vénitienne (quoique) peut-être, la Reine avait du mal à accepter une telle beauté qui  montait beaucoup mieux qu’elle, elle qu’on louait pourtant pour ce talent, et en refusant le port du "caleçon vénitien" en plus (cf. le 822e numéro) !

Un contexte toujours pas agréé comme les 1999 autres par Madame de Lafayette.

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QUAND UNE ENTRÉE À BLOIS HANTE DES SONGES FLORENTINS

Et Blois dans son sommeil souvent s’invite en elle :
Il pénètre son rêve et cette ville aussi
Où en quarante-sept¹ il l’avait faite ainsi
Tout jeune deux Henri son entrée solennelle.

Comment peut s’oublier son œdème taurin
Si foutrement² induit par un spectacle infâme :
Montées nues sur des bœufs l’accompagnaient des femmes,
Un cérémonial pensé si peu serein.

Qui les aurait soufflées telles au metteur en scène
Sinon quelque Valois priapique ad vitam
Ou sa maîtresse alors déjà vieille æternam
Qui l’a toujours couvé dans ses désirs obscènes.

Dessus le mors du songe en cette étrange nuit
Comme surnaturelle allait prendre les rênes
Une incréée beauté pour entrer dans l’arène
Sous les cris d’une foule aux yeux fous et séduits.

Et tout l’or de son sexe éclaboussa la blonde
Robe miroir à ras d’un bel Akhal-Teke³
Qui porta dénudée une Europe4 à croquer
Vers des cornes en feu pour qu’un taureau la tonde.

Catherine au réveil se rappela l’étui
Olympien ballant une royale andouille
Qui fit fête à la voix devant qui s’agenouille
Dès l’orée de son chant toute une Cour qui luit5.

L’abandon à Morphée avait trouvé bien longue
Cette messe blésoise et surtout l’introït6 ;
On jura d’en parler avant d’autres coïts
De ces signes à des astrologues des ondes.

Mais qui osa œuvrer contre sa volonté
De voir ce joli cul sur un cuir bien peu noble
Défiler alors que pour le faire en moins sobre
S’offrit un étalon de haute variété.

1— Sacré roi de France, le fils de François Ier, Henri II, fait son entrée solennelle à Blois en août 1547, accompagné de « femmes nues montées sur des bœufs ».
2— Beaucoup, extrêmement avec l’étymologie piquante : de foutre et -ment ; du latin classique futuere, ‘avoir une relation sexuelle avec une femme’.
3— L’Akhal-Teké (en turkmène :  « cheval turkmène ») est une race de chevaux de selle originaire d'Asie centrale reconnaissable à sa robe aux reflets dorés fascinante et sans beaucoup de poils.
4— Si la mise en scène de l’entrée à Blois a placé des femmes nues sur des bœufs en référence peut-être au mythe de Zeus et Europe, on peut penser alors qu’on essaya de filer la métaphore d’un Henri II déguisé en taureau pour séduire une Europe déclinée en multiples femmes nues comme les provinces de France, qui sait ?
5— On se souvient lors de l’épisode précédent (n° 867) qu’une Mademoiselle de Chartres sut charmer lors d’une soirée à Blois comme nulle autre la Cour des Valois en faisant revivre Charles d’Orléans.
6— Dans la liturgie catholique, chant exécuté avant le début de la messe avec ici encore un autre retour intéressé à l’étymologie : emprunt au latin classique introitus, ‘entrée’.

Un bel Akhal-Teke

Un bel Akhal-Teke

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